« Chasteté conjugale ».
Mais l’interrogation subsiste sous une autre forme. Dans la réalité, dans « le concret du vécu », comme on dit, est-elle vraiment possible ?
Si on interroge nos contemporains, et parmi eux, l’espèce des théologiens moralistes, on a quand même le sentiment que rares sont ceux qui y croient vraiment. Les uns continuent à jeter un voile pudique sur ces réalités qu’ils considèrent comme une sorte de triste concession à la nature humaine. Les autres s’obstinent à penser qu’il n’y a pas d’enjeux évangéliques essentiels en la matière. Oserais-t-on les qualifier de « ringards » ?
Pourtant, c’est ce qui brûle les lèvres quand on lit le « vieux » saint François de Sales. Il y a 400 ans, à l’aube des temps modernes, ce maître avait déjà tout dit sur la question.
Introduction à la vie dévote, troisième partie Chapitres 38 et 39
Pour lui, le vrai moyen de vivre chastement le « saint Mariage » est de puiser à la source de tout amour, l’amour de Dieu lui-même, « un amour saint, tout sacré, tout divin ». De cet amour découleront tous les effets, et, au premier rang, « l’union indissoluble… du cœur, de l’affection et de l’amour », sans exclure bien entendu « l’union des corps ».
A partir de là, la chasteté devient possible dans le mariage, et saint François le montre avec le plus grand réalisme et la plus profonde délicatesse. En cultivant la fidélité, la tendresse (qu’il appelle « tendreté »), la pudeur (« pudicité »), le respect de la vocation propre de l’homme et de la femme," l’union indissoluble des cœurs » donnera à l’union des corps sa juste place.
Qu’il s’agisse d’un rude combat, d’un idéal à remettre tous les jours sur le métier, avec des avancements et des reculs, des chutes et des blessures, il ne l’ignore pas. C’est dans « un esprit martial et courageux », sans faiblesse ni aveuglement, qu’il invite les époux à se garder du péché, et par là de la sensualité, de la volupté, de ce qui s’oppose à la fin qu’il considère comme première du mariage, l’« engendrement des enfants ». Il ne cache pas non plus qu’un « esprit truand, vilain, abject et infâme », peut rendre la chose « détestable et abominable devant Dieu ». Mais encore une fois, pour lui, lorsqu’il est inscrit dans la volonté de Dieu, « selon sa vocation », le « commerce nuptial » est « saint… juste… recommandable… et utile. »
Concluons avec lui en citant saint Augustin : « C’est le grand mal de l’homme de vouloir jouir des choses desquelles il doit seulement user, et de vouloir user de celles desquelles il doit seulement jouir ».